➳ Colin Crapahute

Combien de biscottes coûte un vocabulaire ?

Aujourd'hui et depuis quelques semaines, on se retrouve avec un ami pour un exercice à la fois très vague et très précis: créer un jeu de société. Sans le savoir, nous voilà tous les deux lancés dans le jeu pas si facile de la communication.

Depuis le début de notre rencontre avec lui, j'ai eu l'impression de nous voir comme deux gorilles affamés qui se partagent des biscottes: on s'empresse de tendre la biscotte mais l'autre explose le petit pain grillé avec ses gros doigts patauds! alors on fait des Ouh! Ouh! on se précipite pour pousser les miettes en petits tas et, oui, on finit par manger un peu de biscotte mais franchement c'est pas efficace du tout. Et c'est un peu ridicule. On est des gros gorilles qui savent pas se causer. Lui et moi, on est novices en ludographie, on a pas la même histoire, pas le même âge, et c'est pas facile de se trouver un vocabulaire commun pour communiquer. C'est fatiguant même, épuisant. On avance pas, et on a bientôt cassé toutes nos biscottes sans en avoir mangé une seule.

Heureusement, il y a l'envie. On a faim. Faim de créer, de communiquer, d'essayer, et donc inévitablement, de rater et de recommencer. Alors on se tends de nouvelles biscottes, on corrige la trajectoire des doigts, la biscotte se brise ! Mais un peu moins fort... et de jour en jour, les idées s'échangent, et on finit par se comprendre. Dans l'oeil noir de l'autre gorille, je décèle soudain un reflet de reconnaissance. Ouh! ajoute-t-il sobrement. Moi aussi mon ami, je te suis reconnaissant, d'essayer avec moi, et de casser autant de biscottes pour construire notre vocabulaire.

De l'avis des renards, nous ne faisons que nous "apprivoiser".

#jeu