➳ Colin Crapahute

On a plus le temps pour les belles phrase

L'autre jour en lisant je suis tombé sur une de ces expressions qu'on reprend partout à toutes les sauces:

La vengeance est un plat qui se mange froid.

Peut-être que la nuit avait été calme, la météo radieuse et reposante, je ne sais pas ce qu'il s'est passé... j'ai eu une épiphanie. J'ai enfin compris le sens de cette expression.

Bon, je vais pas vous faire le prof de français, vous pouvez directement passer au paragraphe suivant si l'explication de cette expression n'a pas de secret pour vous... vous restez ? Alors voilà, voilà ce que ça dit.
Quand on est trahi, déçu, malmené, que la colère monte et que les petits fours de la vengeance préchauffent dans notre cerveau, n'agissez pas tout de suite: attendez. Si vous explosez là, maintenant, votre vengeance ne sera qu'à moitié cuite, à moitié mijotée, et aussi fatalement, à moitié bonne. Mếme si la recette est facile et rapide, et tout de suite disponible ! Votre vengeance peut être encore en cuisine, ou déjà servie devant vous, retenez-bien l'adage: la vengeance est un plat qui se mange froid.
Patientez. Observez votre victime à travers les vapeurs qui s'échappent du plat, imaginez son visage à l'instant du repas et le goût sur votre langue. Ne mangez pas chaud, ni même tiède. Mangez froid.

Comme si on m'avait ébouriffé le cerveau, comme si j'avais déplié et déplié un tout petit papier à secret, j'étais positivement pantois. Carrément à côté de la plaque. Comment j'ai fait pour passer à côté d'une évidence comme ça ??
Et ben j'ai peut-être une explication.

J'ai remarqué que pas mal d'expressions populaires se comprennent direct, sans explication: "on change pas une équipe qui gagne", "c'est l’hôpital qui se moque de la charité", "péter plus haut que son cul" etc... avec toutes un point commun, c'est qu'elles contiennent en elles-même le contexte et sa mis en action. De vraies petites histoires de poche !
Par exemple pour "l'équipe qui gagne", il y a d'abord une image forte: celle des matchs de foot, des compèts dans les gradins. Et tout de suite, bam, mise en action "changer une équipe qui gagne": soudainement nous voilà responsable d'une équipe montante, sportif sous les flashs des photos, questions des journalistes, pronostic, tactique, remplacements... pensez-vous changer la composition de l'équipe ? non, puisqu'elle gagne. La situation devient logique, simple, compréhensible.
Ce qu'il se passe avec "le plat froid" est très différent, puisque l'expression ne nous donne que l'image de celui qui mange le plat, sans le mettre en action. Qui mange ? qui a préparé ? pourquoi attendre ? Tout l'imaginaire de la cuisine, de sa préparation, de l'attente longue et patiente... est absente des mots. Rien dans l'expression ne nous incite à l'explorer. Rien, sinon une chose: la curiosité.

Mais nous n'avons plus le temps d'être curieux. Plus le temps de nous ennuyer. La curiosité est une très belle façon d'apprendre pourtant, motivée et guidée par nos envies... sauf qu'être curieux, ça prend du temps. Il faut du temps pour se sentir libre. Et le monde ne semble pas vouloir ralentir tout de suite...
Enfin ! c'est dommage, mais c'est comme ça. Au moins grâce aux merveilles du monde moderne pouvons-nous faire l'expérience d'émotions sur demande, d'émotions efficaces !

#curiosité #ennui #expression #langue #linguistique #ressentir #temps #vitesse